La
date de Pâques des Orthodoxes et des Chrétiens dOccident
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1. Définition de la date de Pâques
2 . Le 21 mars ne tombe pas le même jour dans les deux calendriers.
3 . Chaque calendrier utilise une lune fictive différente.
4 . Tableau des dates de Pâques de 1997 à 2014.
1. Définition de la date de Pâques
" Pâques est le dimanche qui suit le quatorzième jour de la lune qui atteint cet âge au 21 mars ou immédiatement après "
est la règle fixée au concile de Nicée, en 325, qui détermine la date de Pâques aussi bien dans le calendrier orthodoxe que dans le calendrier chrétien occidental.
Nous connaissons mieux cette règle sous sa forme plus vague :
" Pâques est le premier dimanche qui suit la première pleine lune de printemps ".
Dans cet énoncé, il faut fixer le début du printemps au 21 mars, alors que pour lastronome, il commence au moment de léquinoxe, cest-à dire lorsque la nuit et le jour ont la même durée. A lépoque du concile de Nicée, léquinoxe se situait exactement le 21 mars, mais nous verrons que par la suite, les deux dates se sont espacées.
Dautre part, il faut appeler pleine lune le quatorzième jour à partir de la date - théorique, comme nous le verrons plus loin - d'apparition du premier croissant de lune.Alors, puisque la date de Pâques est fixée par la même règle, pourquoi celle des orthodoxes (russes, par exemple) coïncide-t-elle rarement avec celle des catholiques et des protestants ?
Il y a à cela deux raisons.
La première est le décalage des dates des deux calendriers, loccident ayant introduit une réforme pour mieux suivre le soleil.
La seconde est due à la lune. Aucun des deux calendriers ne se base sur les phases véritables de la lune, mais chacun utilise une lune fictive différente.2 . Le 21 mars ne tombe pas le même jour dans les deux calendriers.
La date de Pâques des orthodoxes est calculée avec le calendrier julien, alors que le calendrier occidental est le calendrier grégorien.
Le calendrier julien a été imposé par Jules César en lan 708 de Rome, donc en 45 avant JC.
Cest lancêtre du calendrier civil international actuel, qui est le calendrier grégorien, du nom du pape Grégoire XIII qui décréta son adoption dans le monde catholique romain en 1582.
Il fut ensuite appliqué dans les autres pays à partir de dates très diverses.
La différence essentielle entre les deux calendriers est la définition des années bissextiles : dans le calendrier julien, toute année divisible par 4 est bissextile ; dans le calendrier grégorien, les années séculaires ne sont bissextiles que si elles sont divisibles par 400. (Ainsi 1700, 1800 et 1900 ne sont pas bissextiles, 1600 et 2000 le sont.)
La raison de cette réforme est que lannée solaire - durée qui sépare deux équinoxes de printemps - a environ 365,2422 jours, alors que lannée julienne a en moyenne 365,25 jours. (L'année grégorienne est plus proche de l'année solaire avec 365,2425 jours.)
Un écart de 0,0078 jour par an est minime, mais en 400 ans, cela donne quand même 0,0078 x 400 soit 3,12 jours...
Le calendrier julien retarde donc denviron 3 jours tous les 4 siècles par rapport au soleil.Par conséquent, léquinoxe de printemps arrivait de plus en plus tôt dans le calendrier julien.
Lorsque Rome adopta le calendrier grégorien en 1582, on décida de rattraper 10 jours de retard sur le soleil, en passant sans transition du jeudi 4 octobre au vendredi 15 octobre 1582. Cela eut aussi pour conséquence de décaler les calendriers julien et grégorien de 10 jours à cette date. Le décalage a augmenté dun jour en 1700, en 1800 et en 1900. De 1901 à 2099, le calendrier julien est donc en retard de 13 jours sur le calendrier grégorien.
Cest pourquoi, le jour où les Russes ont adopté le calendrier grégorien en 1918, ils sont passés directement du mercredi 31 janvier au jeudi 14 février 1918 et la révolution doctobre qui a commencé le 24 octobre 1917 julien est fêtée le 6 novembre grégorien.
Mais les églises orthodoxes ont conservé le calendrier julien pour fixer toutes ou certaines de leurs fêtes.
Les orthodoxes grecs par exemple utilisent le calendrier grégorien pour les fêtes à dates fixes (comme Noël) et le calendrier julien pour les fêtes à dates mobiles (Pâques par exemple).
Les orthodoxes russes ont conservé le calendrier julien pour toutes leurs fêtes.
Cela explique que la fête de Noël russe, qui a lieu le 25 décembre julien, tombe actuellement le 7 janvier de notre calendrier grégorien.Enfin le 21 mars julien, donc le " printemps " orthodoxe, correspond actuellement au 3 avril du calendrier grégorien.
Cest ainsi que sexplique quen 1997, les occidentaux ont fêté Pâques le 30 mars et les orthodoxes le 27 avril. La première pleine lune du " printemps " grégorien a eu lieu dans la semaine précédant le dimanche 30 mars qui fut donc le jour de Pâques occidental.
Comme c'était avant le "printemps" julien (21 mars julien / 3 avril grégorien), les orthodoxes ont attendu la pleine lune suivante, pour fêter Pâques le dimanche 27 avril grégorien. (Voir le tableau)
- Mais cela ne permet pas d’expliquer les décalages d’une semaine comme en 1998, 1999 ou 2003.
En 1998 par exemple, le jour de Pâques grégorien tomba le 12 avril et le jour de Pâques julien une semaine plus tard. Or une pleine lune située dans la semaine précédant le 12 avril est la première pleine lune après le 21 mars grégorien et après le 21 mars julien.
Donc les deux fêtes de Pâques auraient coïncidé si les deux calendriers ne se distinguaient que par la date du printemps.
3 . Chaque calendrier utilise une lune fictive différente.
La date de Pâques dépend des phases de la lune mais on veut la connaître longtemps à lavance. Comme on ne veut pas attendre dobserver le nouveau croissant de lune chaque printemps, il faut déterminer sa date par des calculs. Le calendrier fictif obtenu est appelé comput.
a . La lune du calendrier julien
Une lunaison - durée moyenne séparant deux nouvelles lunes - a une durée denviron 29,53 jours.
Cela permet de vérifier la découverte du grec Méton dAthènes en 433 avant JC :
235 lunaisons correspondent assez précisément à 19 années solaires, puisque la durée moyenne dune année solaire est denviron 365,24 jours et que 235 x 29,53 = 6939,55 est très proche de 19 x 365,24 = 6939,56 .Vers 532, les travaux du moine Denys le Petit aboutirent au calcul dune lune fictive julienne utilisant le cycle de Méton.
Dans ce comput, les dates débutant les 235 lunaisons ont été fixées à lintérieur dun cycle de 19 années. Pour cela, on a alterné autant que possible, de manière théorique, des lunaisons de 29 jours et de 30 jours. Les années bissextiles perturbent un peu cette alternance en introduisant des lunaisons théoriques de 31 jours ou des successions de lunaisons de 30 jours.
Au bout de 19 ans, on recommence le cycle. Les phases de la lune dune année donnée sont donc déterminées par sa position dans le cycle de 19 ans. Le rang dune année dans ce cycle est appelé " nombre dor ". Par exemple, le nombre dor des années 1995 et 2014 est 1, celui de 1994 et 2013 est 19. (Voir 3c)
Au début de son application, cette méthode donnait pour la lune des dates fictives assez proches des dates réelles.
Cependant, ce cycle lunaire julien de 19 années dure en moyenne 1 h 29 mn de plus que les 235 lunaisons vraies dune telle période. C'est peu, mais au bout de trois siècles on obtient quand même un retard dun jour du comput julien sur la lune réelle.
Comme ce comput a bientôt 1500 ans, la lune julienne a actuellement 4 à 5 jours de retard sur la lune réelle.
Le calendrier julien retarde donc par rapport au soleil et à la lune !
Nous pouvons maintenant expliquer la date de Pâques orthodoxe 1998. Le 21 mars julien correspond au 3 avril grégorien. En 1998, la pleine lune suivant cette date eut réellement lieu le samedi 11 avril grégorien (première pleine lune après le 21 mars grégorien, donc les chrétiens d'occident ont fêté Pâques le dimanche 12 avril grégorien).
Mais le comput julien fixait cette pleine lune quatre jours plus tard, le mercredi 15 avril grégorien. Cest cette date qui a déterminé le dimanche suivant, donc le dimanche 19 avril grégorien, comme date de Pâques orthodoxe. (Voir le tableau)En 1999, la situation est plus complexe : le retard de la lune rattrape le retard du printemps.
En effet, la pleine lune réelle est tombée le mercredi 31 mars grégorien, donc avant le 21 mars julien / 3 avril grégorien. Mais cette même pleine lune est fixée au dimanche 4 avril grégorien dans le comput théorique, donc après le début du "printemps" julien. Ainsi, le jour de Pâques orthodoxe tombe le dimanche 11 avril grégorien, dimanche qui suit le 4 avril. (Voir le tableau)En 2002 par contre, les deux retards se cumulent.
Après la pleine lune du jeudi 28 mars, l'occident grégorien fête Pâques le dimanche 31 mars.
Les orthodoxes attendent le "printemps" du 21 mars julien / 3 avril grégorien et la pleine lune qui suit. Mais alors que cette pleine lune a lieu réellement le samedi 27 avril grégorien, elle n'est fixée qu'au mercredi 18 avril julien / 1er mai grégorien dans le comput julien. Les orthodoxes ne fêtent donc Pâques que le dimanche 5 mai. (Voir le tableau)
En 2003, la première pleine lune de printemps du calendrier grégorien a lieu le mercredi 16 avril et donc les occidentaux fêtent Pâques le dimanche 20 avril.
Par contre, la pleine lune du comput julien qui suit le 21 mars julien / 3 avril grégorien se situe le dimanche 7 avril julien / dimanche 20 avril grégorien. Le jour de Pâques orthodoxe est donc le dimanche suivant cette date, c'est à dire le dimanche 14 avril julien / dimanche 27 avril grégorien. (Voir le tableau)
On peut remarquer aussi que dans le comput julien, la pleine lune précédente a lieu le vendredi 21 mars grégorien. Donc, si on avait conservé ce comput lunaire après la réforme grégorienne, le jour de Pâques 2003 tomberait le 23 mars en occident.
Les auteurs de la réforme grégorienne avaient également constaté le décalage de la lune dans le calendrier julien. Ils ont donc profité de la réforme pour rattraper lécart et pour affiner la méthode de calcul des lunaisons anciennement basée sur le cycle de Méton.Pour cela, on utilise un autre nombre, appelé " épacte " (et non plus le nombre dor).
Lépacte est lâge de la lune au 1er janvier, diminué dune unité.
Ce nombre est évidemment déterminé à lavance de façon théorique, suivant des règles compliquées.
En voici néanmoins quelques notions :
On part dun cycle de 19 épactes correspondant à un cycle de Méton. Lors de certaines années séculaires, on commence un nouveau cycle obtenu soit en ajoutant, soit en retranchant une unité à chaque épacte. Cela sappelle un saut dépacte. On ajoute un jour tous les 300 ans pour corriger limperfection du cycle de Méton, on retranche un jour les années séculaires non bissextiles pour que la succession des dates de la lune ne soit pas affectée par lirrégularité de ces années.
Le dernier saut d'épacte a eu lieu en 1900. Le prochain sera en 2100.En 1582, lépacte correspondant au calendrier julien était 3. On passa à 26 dans le nouveau calendrier grégorien. Cet écart correspond au fait que lannée grégorienne 1582 est en avance de 10 jours par rapport à la même année julienne (ce qui donnerait une nouvelle épacte -7 ou plutôt +23 puisquon calcule à une lunaison de 30 jours près) et à un rattrapage de 3 jours pour corriger lécart du comput julien avec la lune réelle. En effet, ce comput date de 532 et de 532 à 1582, il y a à peu près 10 siècles. Or nous avons vu que la lune du calendrier julien retarde denviron un jour tous les 3 siècles, ce qui donne environ 3 jours en 10 siècles.
Pour les années 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006 les épactes sont respectivement 24, 5, 16, 27, 8, 19, 0 dans notre calendrier grégorien actuel.
Or les épactes juliennes théoriques des années 2000, 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006 sont respectivement 3, 14, 25, 6, 17, 28, 9.
Si lon tenait seulement compte du décalage actuel de 13 jours entre les 1ers janviers des calendriers julien et grégorien, les nouvelles épactes - grégoriennes - seraient -10, 1, 12, -7, 4, 15, -4 ou plus exactement 20, 1, 12, 23, 4, 15, 26 (puisque nous calculons toujours les âges de la lune à 30 jours près).
Si l'on compare à 24, 5, 16, 27, 8, 19, 0, on constate que la lune théorique grégorienne a 4 jours de plus que la lune théorique julienne au début de ces années. (Voir 3c)
A cause des successions des mois lunaires de 29 et 30 jours, la pleine lune théorique grégorienne peut donc avancer actuellement de 4 ou 5 jours sur la pleine lune théorique julienne.
Par contre, le comput lunaire grégorien actuel est assez proche de la réalité. Il donne la lune réelle à un jour près.
c . Tableaux des nombres d'or et des épactes
Année 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Nombre d'or 1 2 3 4 5 6 7 Epacte juliennne 8 19 0 11 22 3 14 Epacte grégorienne 29 10 21 2 13 24 5
Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Nombre d'or 8 9 10 11 12 13 14 Epacte juliennne 25 6 17 28 9 20 1 Epacte grégorienne 16 27 8 19 0 11 22
Année 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Nombre d'or 15 16 17 18 19 1 2 Epacte juliennne 12 23 4 15 26 8 19 Epacte grégorienne 3 14 25 6 17 29 10Nombre d'or d'une année
Rang d'une année dans le cycle de Méton de 19 ans.
Ce nombre sert à calculer la date de Pâques dans le calendrier julien.Epacte d'une année
Age - théorique - de la lune au premier janvier du calendrier associé, diminué d'une unité. C'est l'âge de la lune au 31 décembre de l'année précédente, quand il n'y a pas de "saut d'épacte" (décalage de l'âge de la lune fictive d'un jour à la fin de certaines années séculaires).
L'épacte grégorienne sert à calculer la date de Pâques dans le calendrier grégorien.d . Dates des premières pleines lunes du printemps
Date théorique de la pleine lune (PL) suivant le 21 mars dans le calendrier julien
Nombre d'or 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 PL en jours de mars 36 25 44 33 22 41 30 49 38 27 46 35 24 43 32 21 40 29 48 Date de PL 5/4 25/3 13/4 2/4 22/3 10/4 30/3 18/4 7/4 27/3 15/4 4/4 24/3 12/4 1/4 21/3 9/4 29/3 17/4Date théorique de la pleine lune (PL) suivant le 21 mars dans le calendrier grégorien pour le cycle d'épactes en usage de 1900 à 2099
Epacte 29 10 21 2 13 24 5 16 27 8 19 0 11 22 3 14 25 6 17 PL en jours de mars 45 34 23 42 31 49 39 28 47 36 25 44 33 22 41 30 48 38 27 Date de PL 14/4 3/4 23/3 11/4 31/3 18/4 8/4 28/3 16/4 5/4 25/3 13/4 2/4 22/3 10/4 30/3 17/4 7/4 27/3
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Pour en savoir plus, lire " Jean LEFORT - La saga des calendriers - Bibliothèque Pour La Science ".